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ACFAS 2023 : Les formes de collaborations intersectorielles dans les industries créatives, de la R&D à la R&C

Crédit : Riot Games

Panel 3 : Les enjeux de recherche en design d’expérience

La pratique du design d'expérience se situe à l'intersection de connaissances provenant de multiples champs disciplinaires.


Chaque nouveau projet peut mobiliser des savoirs provenant de recherches en littérature, en architecture, en science cognitive, en intelligence artificielle etc. Ce panel se penche sur des projets provenant à la fois de créateurs et de chercheurs en se concentrant sur les enjeux de recherche intersectoriels qui traversent ce secteur en perpétuel changement.


Animation : Louis-Richard Tremblay, Producteur exécutif à l’Office National du Film


Julien Robert : Créateur, musicien et fondateur de Vidéo Phase qui explore des nouvelles formes d’expériences scéniques.

Julien Robert expose le contexte de création des projets de Vidéo Phase. À mi-chemin entre la musique et l’art numérique, les créations de Vidéo Phase fusionnent en un seul objet scénique la vidéo et la technologie : projections vidéo, environnements 3D et interfaces conçues sur mesure pour chaque spectacle. Les performeurs interagissent avec l’environnement scénique comme avec un instrument pour créer de la musique. Vidéo Phase, en tant que duo d'artistes indépendants, développe tous ses projets en interne. Néanmoins, le duo collabore avec des chercheurs et des établissements scolaires notamment avec le CÉGEP André-Laurendeau et l’ÉTS. Ces collaborations permettent le développement d’expertises dans le contexte dynamique de la production artistique. Elles soulèvent également des questions relatives à ce type de partenariat sur la jonction entre création et recherche.

Sandra Rodriguez : Directrice de création (VR/XR et IA) ainsi que sociologue des médias émergents.

Sandra Rodriguez mène une double démarche de recherche et de création simultanées. Elle constate un besoin grandissant pour des profils d’individus capables de poursuivre sur ces deux voies conjointement dans le domaine des technologies émergentes et du numérique. Cela implique d’être capable de comprendre les technologies en repensant leur usage allant parfois à l’encontre de pourquoi elles ont été créées. Pour Sandra Rodriguez : « La meilleure manière de comprendre les capacités du nouveau médium, c’est de créer avec. Ça décloisonne l’utilisation et ça nous permet d’inventer de nouvelles utilisations ». Le maillage entre recherche et création permet le dépassement en montrant ce qui est possible par la création. Cela ouvre les imaginaires et même au niveau de la recherche. Cela crée un point d’ancrage entre recherche et création qui permet de démystifier les outils technologiques. Ceci contribue à décloisonner les débats sur les enjeux sociaux, l’avenir des technologies et des médias émergents en rapprochant les créateurs et le public. Au final, les artistes médiatiques contribuent à démystifier un médium comme artistes et comme scientifiques à la fois.

Sébastien Grenier Cartier : Directeur Général et Associé Normal Studio.

Normal Studio, qui œuvre dans le domaine du divertissement, des arts de la scène et des installations permanentes, se consacre à combler l’écart entre le contenant et le contenu. L’approche du studio consiste à mieux comprendre la technologie pour créer du meilleur contenu. Les avenues de recherche émergent de la pratique en tentant de combler les manquements entre les outils de production numérique. Par exemple, pour le projet avec l’Opéra de Montréal en collaboration avec l’UdeM qui consistait à créer un opéra en réalité augmentée pour aller chercher de nouveaux publics, différentes expertises ont collaboré pour faire la capture volumétrique et la diffusion sur les tablettes et téléphones. En outre, il s’avère pertinent pour les chercheurs et les développeurs de technologie de se rapprocher des utilisateurs et des créateurs car cela apporte une nouvelle perspective sur comment développer l’outil. Par ailleurs, le partenariat avec Panasonic comme consultants sur l’utilisation de projecteurs a permis d’établir que les qualités recherchées pour un projecteur ce n’est pas d’avoir plus de pixels mais être plus petit, malléable, avoir une durée de vie plus longue et une colorimétrie qui s’ajuste à la lumière ambiante. Cet exemple montre comment le dialogue entre inférieur et créateur peut réellement aider à développer un produit qui se démarque et qui répond aux besoins des utilisateurs.

David St-Onge : professeur agrégé en génie mécanique à l’École de technologie supérieure et directeur du Laboratoire INIT Robots.

David St-Onge répond à la question « Pourquoi un ingénieur veut travailler avec des artistes ? » Les collaborations art-science font partie du parcours de David St-Onge depuis longtemps. De ses collaborations pour créer des machines de cirque ou avec des artistes comme Rafael Lozano-Hemmer dans le domaine des médias interactifs et des installations performatives, il a acquis une expérience notable dans le domaine de la recherche-création. Il œuvre maintenant davantage du côté recherche en tant que professeur et chercheur à l’ÉTS mais, ce « retour à l’école » lui offre une certaine liberté qu’il n’avait pas sur le marché de l’emploi. Aussi, le milieu de la recherche permet de retrouver la possibilité de communiquer et partager ses recherches avec des créateurs. La collaboration entre artiste et chercheur lors de projets d’expérience utilisateur en robotique ont permis de faire ressortir la nécessité dans les interactions personne-machine de rendre système robotiques plus intuitifs et sécuritaires. De plus, le concepteur- ingénieur se retrouve rarement dans la peau de l’opérateur et la collaboration avec des artistes permet de comprendre l’expérience qu’ils vont avoir avec le système robotique. Développer des systèmes robotiques avec les utilisateurs permet d’anticiper la façon dont ils vont interagir avec le système. Par exemple, dans le projet d’exosquelette Haut-parleur humain de Natalia Petkova, le chercheur s’interrogeait sur la perception et la réception du prototype avant et après performance. En d’autres mots; est-ce que la mise en scène avant la performance influence la perception du public sur le dispositif ? La réaction au dispositif a été sondée dans quatre pays, et il semble que le public considère qu'il est possible de développer une relation avec la machine. Pour le projet Colonisateur sonore de Jean-Pierre Gauthier, le développement d’une trame sonore par le retour sonore à l’opérateur qui lui permettait de créer de nouveaux mouvements avec le système robotique. La collaboration de différents créateurs fut nécessaire pour rendre l’expérience plus dynamique, intéressante et agréable. En outre, les robots ont des qualités expressives différentes (par exemple, les petits robots « sushi » vs les robots à taille humaine). Il devient alors pertinent d’apprendre à manipuler l’expressivité des robots pour l’intégrer au système robotique afin de rendre le système plus expressif. Ce projet a permis d'entamer une nouvelle collaboration avec des danseurs de l'UQAM afin d’identifier des qualités expressives et créer une expérience hybride. L'objectif est d'apprendre des artistes, experts en expressivité, pour ensuite intégrer ces connaissances dans un système robotique.

Nicolas S. Roy : Président et directeur de création exécutif chez Dpt.

DPT est un studio spécialisé dans le développement de dispositifs pour la création de plateformes et de lieux immersifs. Travaillant dans les domaines de la réalité virtuelle, de la réalité augmentée, de la réalité mixte et des espaces physiques, les projets de DPT se distinguent par leur utilisation innovante de la technologie. Le studio dispose également d'un laboratoire de recherche et développement dont l'objectif principal est de rapprocher la réalité virtuelle du monde physique. Le studio a trois axes de recherche clés. La réalité augmentée et mixte vise à superposer de manière précise le monde physique et numérique. Développé à l’interne, ce projet explore de nouvelles approches en réalité augmentée. La capture volumétrique permet d'intégrer le monde réel dans le virtuel. Il est ainsi possible de créer des mondes virtuels, à partir de quelques photos, qui offrent des prises de vues uniques et y intégrer de l'interactivité. L'intelligence artificielle est utilisée pour générer des visuels. Finalement, DPT comprend un laboratoire de recherche et développement qui compte plusieurs personnes dédiées. L'orientation actuelle du studio est axée une approche de projet mais l’intention est de développer davantage l'aspect recherche.

Discussion

Qu’est-ce que cela signifie d’associer un chercheur et un créateur ? L’expérience démontre que les chercheurs, au contact des créateurs, s'éveillent à de nouvelles perspectives. Ces rencontres offrent un champ de collaboration immense, permettant de trouver des points de convergence significatifs. Cependant, les temporalités différentes entre le projet et la structure académique posent un défi généralisé. Parfois, recruter des étudiants peut être difficile, mais cela leur offre une occasion unique de développer des connaissances, d'apprendre à communiquer et de comprendre les besoins spécifiques d’un client pour faire avancer le projet. En outre, la création et la production ne suivent pas le même rythme. Il est donc essentiel d'explorer les opportunités de mutualisation sur le long terme et de trouver une autre manière de gérer les collaborations que par l’approche par projet, car la recherche est un processus continu. Une des clés consiste à évaluer les éléments transférables dans un projet de création et à effectuer des allers-retours entre la recherche et la mise en application afin de traduire les connaissances théoriques en un projet concret.

Il est crucial de trouver des solutions communes à la recherche et à la création. Les silos de performance peuvent parfois freiner les partenariats, alors que l'approche de la science ouverte permet de faire circuler et partager les connaissances, favorisant ainsi les structures qui encouragent le maillage. Étant donné que les rythmes de création et de recherche sont différents, il est parfois stratégique, pour obtenir du financement, de présenter un prototype fonctionnel démontrant la faisabilité et inspirant par l’utilisation technologique. En effet, l’amélioration des modèles de financement, encore largement axés sur des secteurs spécifiques, gagnerait à s’inspirer du décloisonnement des partenariats entre recherche et création. En somme, le développement d’écosystèmes mettant en relation les disciplines, la recherche et la création semble être une approche prometteuse.

À suivre dans les prochaines parutions pour le résumé des panels de cette journée.

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