EXPERTS : rencontre avec Melissa St-Louis, au cœur de la neurodiversité et de l’inclusion

La série Automne 3D du Bureau du cinéma et de la télévision du Québec est maintenant disponible gratuitement pour tous les utilisateurs d’EXPERTS ! Il s’agit d’ateliers consacrés à Diversité et à l’Inclusion, au Dialogue et au Développement des employés dans les industries créatives. En ligne jusqu’au 31 décembre, les ateliers “Processus de recrutement inclusif”, « Neurodiversité 101 » et “La communication interculturelle” de Melissa St-Louis en font partie et proposent des exemples et solutions concrètes pour rendre nos lieux de travail plus inclusifs au quotidien.

Trois questions à Melissa St-Louis

SYNTHÈSE : Pourquoi avoir choisi de vous spécialiser dans la neurodiversité et l’inclusion en tant que coach et stratège de marque employeur ?

Melissa St-Louis : La neurodiversité est à la fois un fait et un mouvement social émergeant, encore peu connu dans la population générale. Lorsqu’on parle de neurodiversité, on parle d’un continuum de toutes les différences neurocognitives présentes dans l’espèce humaine.

Dans ce continuum, on retrouve certains profils divergents de la norme majoritaire qu’on qualifie alors de neurodivergence ou de neuroatypie. Ces profils regroupent notamment les personnes autistes, dys+ (dyslexies, dyscalculie, dyspraxie, etc.), douées, ayant un TDAH et/ou ayant le syndrome Gilles de la Tourette. Ces profils regroupés ensemble représentent jusqu’à 20% de la population générale, et outre le profil de la douance, chacun a des particularités pouvant engendrer des situations de handicap, notamment en milieu de travail.

Parmi ces personnes, toutes ne sont pas diagnostiquées ou évaluées en raison des coûts élevés, des délais d’attente et des biais, dont des biais de genre caractérisant les critères diagnostics. Ajoutons à ce portrait le manque de représentation juste dans les médias qui nourrissent les stéréotypes liés à la neurodivergence, les préjugés y étant associés et le manque de soutien à plusieurs niveaux, surtout pour les adultes.

Étant neurodivergente moi-même, j’ai vu les répercussions de tous ces éléments. Il était donc important pour moi de trouver une façon de prendre action, tout en répondant à un besoin criant des employeurs, soit de survivre à la pénurie de main-d’œuvre. Plusieurs éléments viennent ici influencer la relation de travail, de part et d’autre, pour n’en nommer que quelques-uns.

  1. La pandémie a donné l’occasion à beaucoup de personnes neurodivergentes d’expérimenter le travail sans masquer, en travaillant à distance. Le retour au bureau pour ces personnes ne se fera pas sans craintes et l’idée de recommencer à masquer peut générer de l’anxiété.
  2. Les efforts déployés pour masquer et se sur adapter afin de passer pour une personne neurotypique sont très taxant. Les risques de dépression, d’anxiété et de burn-out en sont alors augmentés.
  3. Dans plusieurs pays, environ 40% des autistes sont en situation de non-emploi et plusieurs de ceux qui occupent des emplois, ne réussissent pas à travailler pas dans leur champ d’études.
  4. Selon Hiren Shukla, fondateur du Neuro-Diverse Centers of Excellence chez EY Global, 85% de la population neurodivergente fait face à un taux de non-emploi ou de sous-emploi d’environ.
  5. Le monde, incluant le monde du travail, a été conçu pour et par les personnes neurotypiques et cette réalité crée plusieurs barrières pour la minorité neurodivergente. Toutefois, il est intéressant de noter que l’inclusion de la neurodiversité dans son ensemble est peu dispendieuse et assez simple à mettre en place. Mais les spécialistes de ce domaine émergeant sont rares et le niveau de conscience collective face à cet enjeu est encore assez bas.

Ainsi, en combinant à la fois un service d’optimisation de marque employeur à cet enjeu de société, je venais apporter une solution créative à un problème. Mais être inclusif et le mettre de l’avant dans sa marque employeur ne se fait pas toujours sans accompagnement qualifié.

C’est pourquoi il était important pour moi que ces deux axes soient soutenus par un service de coaching et d’accompagnement pour favoriser le succès de cette approche intégrée. Et pour soutenir la croissance de la conscience collective à l’égard de cet enjeu, j’ai également mis sur pied un podcast, intitulé Les Neurodivertissantes, qui gagne rapidement en popularité avec deux consœurs neurodivergentes et spécialisées également dans ce domaine. Avec ce projet, nous souhaitons démystifier la neurodiversité, détruire les stéréotypes, offrir des solutions pour favoriser l’inclusion et permettre une représentation authentique.

Pouvez-vous nous parler des principaux défis rencontrés en matière d’inclusion dans les industries créatives ?

Puisque je me spécialise principalement en inclusion de la neurodiversité, j’orienterai ma réponse en ce sens. Les défis liés à l’inclusion de la neurodiversité s’étendent à l’ensemble des secteurs et industries en raison de son arrivée très récente dans le discours de l’inclusion de la diversité.

Lorsque les entreprises pensent à l’inclusion de la neurodiversité, de telles initiatives se soldent souvent en programmes spécialisés. On peut penser ici à des programmes pour personnes autistes en informatique, par exemple. Mais de telles approches sont généralement construites autour de perceptions basées sur des stéréotypes.

Une des prémisses importantes de l’inclusion de la neurodiversité est qu’il y a autant de neurodivergences qu’il y a de personnes neurodivergentes. Par conséquent, une approche comme celle-ci sera entre autres très limitée dans sa portée et dans son efficacité.

Toutefois, mon constat est que les principaux défis liés à l’inclusion de la neurodiversité sont principalement liés à des enjeux de communication et de connaissances.

  1. Les personnes neurodivergentes n’ayant pas toujours eu l’accompagnement nécessaire peuvent manquer de connaissances quant à leurs forces uniques, leurs zones de défis, les outils disponibles et mesures adaptatives possibles qui s’offrent à elles.
  2. Étant donné ces multiples angles morts, elles peuvent difficilement communiquer leurs besoins, comprendre la légitimité de leurs besoins et mettre efficacement à profit leurs forces pour rayonner.
  3. Par manque de connaissances, les employeurs peuvent percevoir certaines demandes comme des caprices ou juger certains comportements comme étant inacceptables selon des standards neurotypiques bien ancrés.
  4. Ces derniers ne savent pas quels moyens utiliser pour adapter leur communication de façon efficace, ce qui permettrait de cocréer une relation de confiance plus facilement avec les personnes neurodivergentes.
  5. Les risques psychosociaux vécus au travail par les personnes neurodivergentes s’en voient fortement augmentés. Ces enjeux nuisent à la création d’un environnement où règne la sécurité psychologique.

C’est pourquoi, une approche basée sur le design universel de l’inclusion où la communication et l’identification des besoins uniques à chaque personne, peu importe son statut diagnostic ou l’intersectionnalité de ses caractéristiques, est une approche plus accessible, holistique et durable.

Que pensez-vous que les organisations ont à gagner en mettant en place des politiques d’Équité, diversité et inclusion ?

En mettant en place de telles politiques, incarnées au sein des valeurs de l’organisation, plusieurs bénéfices peuvent émerger, tant pour l’employeur que pour les employés. En voici quelques-uns :

  1. L’augmentation de la capacité de créativité et d’innovation au sein des équipes. Les personnes neurodivergentes ont souvent une plus grande prévalence à faire preuve de créativité de par leur expansion conceptuelle et leur style de pensée divergente.
  2. Les personnes neurodivergentes ont généralement un profil hétérogène en termes de forces et de défis (spiky profile), ce qui veut dire que l’énergie requise pour compenser aux défis inhibe la capacité à mettre de l’avant les grandes forces qui les caractérisent. Avec un modèle d’inclusion efficace, il devient possible de mettre en place des mesures adaptatives (souvent à petit coût) permettant de mitiger les défis et qui permet ainsi à l’employé de faire rayonner ses forces et en faire également bénéficier son équipe et son organisation.
  3. La neurodivergence compose 20% de la population et une grande proportion de ces personnes ne vivent pas une expérience optimale en lien avec leur contribution au marché du travail. Un employeur faisant preuve d’ouverture sincère et qui met en place les moyens nécessaires pour inclure cette population saura les attirer et les fidéliser efficacement, tout en accédant aux forces de ces talents.

Je vous propose donc ces quelques articles complémentaires faisant état de tous les bénéfices de l’inclusion pour les organisations modernes.

 

Je découvre les ateliers de Melissa St-Louis sur EXPERTS