Formation
Jeux vidéo
Effets visuels et animation 2D-3D
Expériences numériques

Travailler en création numérique : évolution des métiers graphiques 2D-3D et enjeux de formation

2.2.Le secteur des effets visuels et de l’animation

2.2.1.Des expertises pointues et nombreuses

Les expertises en effets visuels et animation sont nombreuses et variées et, pour cette raison, les métiers sont segmentés en spécialités. Les principaux outils de création numérique en effets visuels mentionnés par les répondantes et répondants sont répartis entre des disciplines spécialisées correspondant à chacune des étapes de la création d’images.


En règle générale, les artistes ne couvrent que très rarement l’ensemble des étapes de la production des images. Le plus souvent, les artistes se spécialisent et utilisent par conséquent une grande variété de logiciels. Les chaînes de production diffèrent d’un studio à l’autre et il n’y a donc pas d’uniformité dans leur manière de produire. Selon le type de production et les choix de logiciels, les flux de travail (workflows) et les procédés peuvent changer. La complexité et la spécificité des différents corps de métiers en effets visuels et en animation augmentent selon les différents flux de travail et outils utilisés.


Les principaux outils de création numérique en effets visuels rapportés par les répondantes et répondants sont répartis entre des disciplines spécialisées correspondant à chacune des étapes du traitement des images. Le tableau ci-dessous résume les étapes qui correspondent à la spécialisation des métiers au sein des productions[^1][^2].


[^1]: Voir l’Annexe D pour des exemples de chaînes d’opérations.


[^2]: Bien qu’il soit indiqué dans le tableau, le film d’animation 2D n’est pas spécifiquement couvert à cette étape-ci de l’étude mais sera ajouté dans les étapes subséquentes de cette vigie.


Selon la spécialisation des artistes, les logiciels utilisés diffèrent. Les principaux logiciels cités par les répondantes et les répondants, dans chaque domaine de spécialisation, sont rassemblés dans l’Annexe B[^3].


Le terme d’animateur 3D est un intitulé générique qui désigne à la fois l’artiste 3D et son appartenance au secteur. En règle générale, l’animatrice ou l’animateur 3D doit se spécialiser, notamment en effets visuels, dans une à deux étapes seulement de cette courte liste. L’artiste ne couvre que très rarement l’ensemble des étapes présentées.


[^3]: Il existe plusieurs autres logiciels spécifiques qui peuvent ne pas se retrouver dans cette liste et qui pourront être ajoutés dans les étapes subséquentes de cette vigie.


2.2.2.Les innovations technologiques transforment les méthodes de travail

2.2.2.1.La vitesse de calcul des rendus au service de la création

En effets visuels et en animation, le calcul des rendus d’images s’est beaucoup amélioré, devenant de plus en plus sophistiqué au fil des ans. Ce qui prenait plusieurs jours à calculer il y a encore quelques années ne requiert aujourd’hui que quelques minutes. Parmi les changements technologiques, on note la montée du procédural et les adaptations et automatisations de tâches qu’offrent les différents logiciels. Ces améliorations technologiques dans la chaîne de production permettent une réalisation ajustée en continu et une vitesse d’exécution accrue, conférant ainsi à la réalisation et à la direction artistique une plus grande latitude. Certaines professionnelles et professionnels ont mentionné que plus on optimise les engins de rendu pour permettre un calcul rapide des images, plus le niveau graphique augmente sur le plan créatif, si bien que finalement, les temps de rendu restent les mêmes.


Illustration: Cyril Doisneau
2.2.2.2.L’utilisation de moteurs de jeu en temps réel dans le domaine des effets visuels et de l’animation

Le calcul de rendu en temps réel est une méthode de plus en plus convoitée par les studios d’effets visuels et d’animation. Généralement réservé aux techniques de jeux vidéo, le rendu d’image en temps réel (instantanéité, vitesse du calcul et affichage des images), favorise l’évolution de certaines tâches. Les entreprises qui ont adopté ce type de chaîne de production (pipeline en anglais) sont surtout des studios de films d’animation 3D qui utilisent parfois les moteurs de jeu en temps réel pour rendre leurs images finales. Un répondant qui travaille dans un studio ayant adopté ces outils, explique que, malgré les avantages de faire un film d’animation complet dans un moteur de jeu, cela demande plusieurs manipulations :


« Pour rendre un film dans un moteur de jeu on doit faire beaucoup de tricherie, ce qui rallonge beaucoup le travail des personnes. Par contre, ça simplifie l’aspect réalisation car les changements sont facilement possibles. Par contre, il y a beaucoup de manipulation d’éléments (*assets*) comme les lumières et beaucoup de conversion à faire pour arriver à faire un film avec un moteur de jeu. Ce qu’on gagne en temps machine, on le perd en temps humain et le temps humain coûte cher.

L’utilisation de moteurs de jeu en temps réel pour créer des films d’animation change la façon de travailler des artistes et les force à s’adapter aux nouveaux outils et formats pour intégrer leurs éléments dans le moteur. L’avantage d’utiliser ces outils se trouve dans le fait que l’environnement des moteurs de jeu permet une réalisation plus itérative et plus souple.


De manière générale, la production (ou la création) d’effets visuels nécessite l’optimisation de la qualité de l’image, des ambiances, des environnements, des particules et des simulations d’effets de particules, ce qui semble, pour l’instant, incompatible avec les contraintes des moteurs de jeu et de l’affichage en simultané. Aujourd’hui, très peu d’entreprises en effets visuels se servent des moteurs de jeu en temps réel pour produire les rendus finaux d’un film. L’apport des moteurs de rendu en temps réel ne permet toujours pas d’atteindre la qualité d’image exigée par le cinéma. Plusieurs entreprises intègrent cependant les moteurs de jeu pour faire de la prévisualisation (previz), bien que les rendus finaux soient généralement toujours faits par des moteurs de rendus conçus pour le cinéma (prérendu).


2.2.2.3.La production virtuelle : le rapprochement entre le film et le jeu
Illustration: Cyril Doisneau

La production virtuelle est un nouveau procédé de captation et de tournage de film réalisé avec des moteurs de rendu en temps réel. Ce qui était autrefois filmé sur un fond vert est maintenant capté sur des panneaux en diodes électroluminescentes (DEL) qui projettent des décors numériques (préalablement conçus) issus du moteur de jeu (scène 3D). Avec ce type de projection, un réalisateur peut facilement ajuster, en temps réel, le décor dans lequel l’image de l’actrice ou de l’acteur sera insérée en postproduction. Par conséquent, l’organisation du travail se voit modifiée : la dernière étape de l’imagerie 3D (créations des décors numériques) précède désormais le tournage et la captation des actrices et des acteurs.


Cette nouvelle façon de produire a été propulsée par les logiciels de rendu en temps réel qui permettent de changer les points de vue des caméras du plateau de tournage directement dans la scène 3D qui fait office de décor. Les ombres et les projections de lumières liées au décor sont directement reflétées sur les actrices, les acteurs et leurs vêtements, ce qui donne déjà un bon point de départ aux artistes en effets visuels. Cette méthode de production leur évite, par exemple, de devoir retoucher les reflets souvent laissés sur les actrices et les acteurs lors des tournages sur fond vert. Cela évite aussi d’avoir à simuler les effets provoqués par le reflet des environnements sur les actrices et les acteurs. Cependant, les expertes et les experts qui ont travaillé sur les plateaux virtuels nous ont précisé que les images de plateau reçues ont quand même besoin de retouches en composition finale. Même si la production virtuelle accélère le traitement de certains plans (les plus simples), les interventions des équipes d’effets visuels restent primordiales. Pour l’avenir, on peut s’attendre à ce que de nouvelles techniques d’intégration et de composition d’images tournées en production virtuelle changent le processus de traitement d’image en postproduction.


En plus de changer la façon de tourner, de générer des décors virtuels et de modifier les méthodes de travail en composition d’images finales (étapes du compositing surtout), la production virtuelle permet de faire participer les équipes d’artistes 3D plus tôt dans le processus de création du film, ce qui facilite les étapes de prévisualisation.


À Montréal, les studios MELS et les studios Grande offrent des installations de production virtuelle afin d’accueillir les gros studios américains qui travaillent déjà avec ces nouveaux procédés de captation (Québecor 2020).


2.2.2.4.Les logiciels de simulation et d’effets visuels procéduraux
Illustration: Cyril Doisneau

Au cours des dernières années, le domaine de la simulation a réalisé d’importantes améliorations. Le logiciel Houdini par exemple (fleuron canadien) s’est emparé du marché. Il s’agit d’un outil de création procédural qui permet de produire des recettes et de les appliquer aux différents éléments à produire. Initialement conçu pour le secteur des effets visuels, Houdini est désormais utilisé par de nombreuses entreprises québécoises en jeu vidéo et expériences numériques immersives. Il dépasse le secteur des effets de simulation et permet d’éclairer, de texturer et d’animer.


D’autres logiciels de création procéduraux pour d’autres disciplines se sont déjà imposés dans les studios en effets visuels et en cinéma d’animation. On recense, entre autres, Substance Designer, Substance Designer & Painter, Maya, Nuke et Modo.


Des professionnelles et professionnels interrogés pour cette enquête soulignent que ces logiciels facilitent le travail des artistes, peu importe les types de spécialités qu’ils couvrent, en automatisant certaines fonctions qui étaient réalisées par des personnes il y a dix ans. A propos de l’utilisation de logiciels procéduraux, notamment en création de personnages ou d’environnements, un expert explique que selon lui, deux profils d’artistes risquent d’évoluer en parallèle :


« Il va falloir que les artistes en effets visuels apprennent d'autres façons de faire. Pour moi, c'est comme apprendre un nouveau métier. Je pense qu'un artiste graphique va avoir plusieurs choix dans le style de métier : être un artiste en procédural ou un artiste qui fait du pixel art (*craft*). Ce n'est pas pareil. Pourtant les deux artistes sont des artistes 3D. Ça va juste élargir. Il va y avoir une plus grande étendue de métiers et de spécialisations artistiques.

Ainsi, l’implantation du procédural dans les outils de création a beaucoup modifié les pratiques des artistes de création et ce, dans l’ensemble des métiers – et elle continuera de le faire.


2.2.2.5.L’apprentissage automatique pour aider les créateurs

L’apprentissage automatique (machine learning) est un champ d’étude de l’intelligence artificielle qui permet aux ordinateurs « d'apprendre » à partir de données. Dans le secteur des effets visuels et de l’animation, il vise plusieurs aspects de la création et de l’automatisation de procédés et permet donc d’optimiser les flux de travail (workflows). Plusieurs intervenantes et intervenants sont d’avis que l’apprentissage automatique favorise la vitesse d’exécution et permet aux artistes de se concentrer sur les aspects créatifs de leur travail. Cependant, quelques répondantes et répondants expriment des difficultés à saisir l’utilisation qui en sera faite pour les projets qui ne requièrent pas un volume important de données à traiter. Un répondant explique :


« Bien sûr, l'intelligence artificielle favorise une personnalisation des expériences en même temps qu'une collectivisation du processus. Mais son potentiel réside dans l'exécution de tâches très précises avec de gros volumes de données, et il est difficile de cerner l'intérêt pratique pour la création artistique en contexte de commande.

Plusieurs outils d’automatisation seront développés dans les prochaines années pour faire progresser l’apprentissage automatique en effets visuels et en cinéma d’animation mais pour l’instant, seules les grosses entreprises bénéficient d’équipes de programmeurs qui peuvent se consacrer au développement de l’intelligence artificielle.


La liste ci-dessous répertorie des domaines sur lesquels l’automatisation aura une répercussion. Bien qu’elle ne soit pas exhaustive, cette liste démontre la diversité des possibilités de l’intelligence artificielle dans les effets spéciaux et le cinéma d’animation :



  • Simulation : armature pour effets visuels de créature (CFX);

  • Simulation de foule : création de personnages à partir de banques de données de personnages générés par des mots clés qui décrivent leur comportement et leur personnalité;

  • Remplacement et rajeunissement automatique de visages (deep fakes pour effets spéciaux);

  • Animation : utilisation de banques de captures de mouvement pour générer des animations réalistes par l’apprentissage automatique;

  • Composition d’image : enlever automatiquement les artefacts non voulus dans les images (AI denoiser);

  • Ancrage cinématographique (suivi de mouvements [matchmove & tracking]);

  • Automatisation : rotoscopie, animation faciale, analyse de scripts (canevas de scénarios générés automatiquement en fonction du style d’histoire désiré);

  • Optimisation des rendus;

  • Perfectionnement de l’organisation des tâches, des horaires et du séquencement des équipes de travail.


2.2.2.6.La conjugaison des outils et des différentes expertises dans une chaîne opérationnelle de production

Les chaînes opérationnelles de production (pipelines) en effets visuels et en animation sont complexes car elles regroupent plusieurs logiciels différents dans un processus de travail structuré. Permettre un travail simultané « en référence » au sein d’une chaîne de production constitue un défi majeur. Aujourd’hui, l’offre de logiciels est si abondante que les artistes ont plusieurs outils à leur disposition pour réaliser leur tâche. De plus, plusieurs artistes à la fois peuvent travailler sur le même plan. Le défi ne réside pas dans le choix des logiciels, mais relève plutôt de la capacité et de la compréhension nécessaire à intégrer ces différents outils entre eux.


2.2.2.7.Une nouvelle norme : la description de scènes universelles

Initiée par la société Pixar, l’implantation du nouveau format de travail « description de scènes universelles » (Universal Scene Description [USD]) va modifier les pratiques des artistes et promet de résoudre plusieurs problèmes de compatibilité entre les versions des divers logiciels et les formats de données. La description de scènes universelles (USD) est le premier format accessible au public qui répond à la nécessité d’échanger et d’augmenter de manière robuste et éprouvée les scènes 3D qui peuvent être composées de nombreux éléments (Pixar 2021). Ce nouveau type de description de scènes est déjà employé ou en cours d’implantation dans les studios d’effets visuels et de cinéma d’animation et en jeu vidéo. Des expertes et experts consultés affirment que l’intégration de cette nouvelle norme pourra faciliter le travail des artistes et les flux de travail.


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